" Doing things that cannot be named". Fellatio and cunnilingus in Ancient Greece d'Edoarda Barra.
Dans les sources grecques la fellation et le cunnilingus sont désignées par le même verbe arrêtopoeîn, littéralement « faire des choses que l’on ne peut pas nommer ».
Les Grecs, explique-t-il, utilisaient souvent, pour désigner les pratiques sexuelles, des périphrases ou bien des verbes dérivant du nom des habitants de certaines villes auxquels on attribuait des pratiques « obscènes ». Le verbe lesbiazein en particulier, « faire à la manière des Lesbiens », désigne la pratique de la fellation.
Edoarda Barra illustre
magnifiquement la fellation à travers l'histoire de la description par Chrysippe du tableau
de Samos ou d'argos dans lequel Héra faisait une chose indicible
(arjrJhtopoiou`sa) à Zeus (dans lequel Héra mouillait son visage au sexe
de Zeus). Revue Clio
Quant au cunnilingus il n’est pas dépourvu de vertu, ne
serait-ce que dans le monde des rêves, puisque, selon Artémidore dans la clef des songes (iie
siècle de notre ère), rêver de cette pratique sied bien aux orateurs,
aux sophistes aux trompettistes et à tous « ceux qui gagnent leur vie
par les moyens de la bouche ». Le cunnilingus permet à Artémidore d'inventer la contextualisation de l'interprétation des rêves.
L'auteur nous aide à comprendre le passage des cavaliers, où Aristophane fait d'Ariphradès l'inventeur du cunnilingus :
Mais si Arignotos est connu de quiconque sait distinguer le blanc (du
noir), il a un frère qui pour les
modes ne lui ressemble en rien, Ariphradès, un
dépravé, qui de plus veut l’être. Et il n’est pas seulement
dépravé – je ne l’aurais pas remarqué – et dépravé foncièrement, mais il y ajoute un vice de son invention : dans les bordels, il souille sa langue pour des plaisirs honteux, en léchant la rosée crachée, en salissant sa moustache, en mêlant
les orifices, en composant des Polumnêsteia en compagnie d’Oionichos.
En taxant les « poètes nouveaux » de « débauchés », les auteurs de comédies n’ont fait que détourner le topos du poète qui reçoit la rosée de la Muse sur ses lèvres. Car si l’on retrouve le terme drosos, « rosée », comme métaphore pour désigner l’humeur léchée par Ariphradès, la rosée, hersê, est aussi, dans la Théogonie d’Hésiode, versée par les Muses sur les lèvres des rois pour les inspirer.
Pour faire rire son public, Aristophane n’a fait que remplacer le miel ou la rosée des abeilles et des Muses par la cyprine.
Edoarda Barra est également l'auteur de Âmes, souffles et humeurs d'Homère à Hippocrate Thèse de doctorat en Histoire et civilisations soutenue en 2002 à l'EHESS Paris. Dans laquelle elle étudie la continuité entre
matière cérébrale et matière séminale, entre logos et sperme, car le
logos, comme la semence, relève du souffle.
J'espère qu'elle ne m'en voudra pas de se retrouver sur ce blog.
Edoarda Barra, « « Faire des choses que l’on ne peut pas nommer ». Fellation et cunnilingus en Grèce ancienne », Clio. Femmes, Genre, Histoire
[En ligne], 31 | 2010, mis en ligne le 28 mai 2010, consulté le 13 mars
2017. URL : http://clio.revues.org/9584 ; DOI : 10.4000/clio.9584
Clio. Femmes, Genre, Histoire, revue française semestrielle,
ouvre ses colonnes à celles et ceux qui mènent des recherches en
histoire des femmes et du genre (toutes sociétés et toutes
périodes).
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