mercredi 1 janvier 2014

A boire

Nouvel extrait de Lourdes, Lentes d'André Hardellet pour une année pleine de voluptée et de femmes.

Lourdes comme des ventres d'abeilles, comme le vent paresseux, comme le souvenir, comme la couleur de l'orage, comme les yeux clairs, comme une promesse qui sera tenue. Gonflées de lait, de miel et de suc. Le lait d'en haut, crémeux, pour apaiser les oursons voraces et téteurs. Le lait du milieu, le meilleur, entre les crevasses un peu roses, un peu mauves, un peu brunes. Juste une petite giclée d'opale liquide, envoyée par un invisible compte-gouttes. Un peu fade (prends ton fade, Sophie), mais revigoré par le poivre et l'anchois de la vulve. On en boirait des tonnes, en direct, avec une paille, ou à la petite cuillère. Et elle rue, en dessus, geint, délire, vous encourage, secoue ses teignes de désespoir. Vous, la tête à l'étau, brouteur  patient, le groin dans la truffe au parfum jamais mis en flacon, vous méprisez votre propre plaisir : c'est le sien qui compte. Catcheuse ruisselante, elle va vous étrangler d'un ciseau de ses cuisses. Vous haletez, tout à votre besogne salée, artisan des basses régions. Soudain elle desserre l'étau, apaise sa houle, éteint ses grognements ; vous émergez, la trogne luisante, sans autre contentement que de la savoir rassasiée. Vous allumez une cigarette, vous écartez le rideau de la fenêtre : des hommes et des femmes passent dont vous ignorez tout – sauf leur fugitive apparence – des êtres se hâtant, qui sait, vers une chambre pareille et voués au même échec.

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Gustave Courbet, la source

Elle dort ; vous n'avez pas joui. Quelle importance ? Vous regardez la rue où défilent des hommes qui vous ressemblent, paraissent vous ressembler. Je t'aime, qu'est-ce que cela signifie sinon ce don sans échange, sans contre-valeur ? Oui, on en boirait à plein verre de leur foutre, mais les plus généreuses n'en distribuent qu'un parcimonieux échantillon – tandis que nous !
J'imagine leur plaisir lorsqu'elles voient partir l'offrande, le bouquet, la salve qui étoile leur peau ; lorsqu'elles se la gobent encore et encore, savourant, se nourrissant de nous.

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