lundi 7 juin 2021

Double perversion concomitante

Selon une hypothèse de Leroi-Gourhan, c’est lorsqu’il aurait pu libérer ses membres antérieurs de la marche, et, partant, sa bouche de la prédation, que l’homme aurait pu parler. J’ajoute : et embrasser. Car l’appareil phonatoire est aussi l’appareil osculaire. Passant à la station debout, l’homme s’est trouvé libre d’inventer le langage et l’amour : c’est peut-être la naissance anthropologique d’une double perversion concomitante : la parole et le baiser. A ce compte-là, plus les hommes ont été libres (de leur bouche), plus ils ont parlés et embrassés; et logiquement, lorsque par le progrès, les hommes seront débarrassés de toute tâche manuelle, ils ne feront plus que discourir et s'embrasser!

Imaginons à cette double fonction, localisée en un même lieu, une transgression unique, qui naîtrait d'un usage simultané de la parole et du baiser : parler en embrassant, embrasser en parlant. Il faut croire que cette volupté existe, puisque les amants ne cessent de boire la parole sur les lèvres aimées. Ce qu'ils goûtent alors, c'est, dans la lutte amoureuse, le jeu du sens qui éclôt et s'interrompt la fonction qui se trouble : en un mot : le corps bredouillé.

Roland BarthesRoland Barthes par Roland Barthes. Parler et embrasser


Illustratreur inconnu

Je ne connaissais pas André Leroi-Gourhan 1911-1986.

La transgression est naïve et théorique : qui parle en embrassant? La vrai perversion, régression c'est d'utiliser sa bouche pour embrasser le sexe de sa partenaire. Comme le ferait un animal. D'ailleurs en argot on va parler de brouter. Comme si la bouche retrouvait sa fonction première, primaire, primale, primate.

Les seules fonctions civilisées données à la bouche sont la parole et la nourriture. Même si cette deuxième fonction est admise car aucun autre organe ne le permet. Alors on va dissocier la parole du manger : on ne parle pas la bouche pleine. on ne parle pas à table. Le baiser lui est à peine toléré et chassé de l'espace public. Réservé au privé donc caché.

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