Frigide cunnilingus
Pendant
la nuit nous avions rejeté la couverture et le drap de dessus, et Paola
était étendue sur le dos, les jambes relevées, respirant sans un bruit.
Nous ne semblons jamais autant à la merci de notre corps, la proie de
notre inconscient, que lorsque nous sommes endormis. Le coeur battant,
je décidai de tenter le tout pour le tout. Lentement, je lui écartai les
jambes, tel un voleur écartant des branches pour frayer subrepticement
son chemin dans un jardin. Derrière la touffe d'herbe blonde, je voyais
son bouton rose foncé, avec ses deux longs pétales légèrement ouverts,
comme si eux aussi avaient été sensibles à la chaleur. Ils étaient
particulièrement ravissants et, toujours avide, je me mis à les humer et
à les lécher. Les pétales ne tardèrent pas à s'amollir et je savourai
bientôt la rosée de bienvenue, bien que le corps restât immobile. Paola
devait maintenant être réveillée, mais elle n'en montrait rien; elle se
maintenait dans cet état rêveur où l'on essaie d'échapper à la
responsabilité de ce qui va arriver en déclarant d'avance n'être ni
vainqueur ni vaincu. Dix-minutes, ou peut-être une demi-heure plus tard
(le temps s'était dissous dans une odeur de pin), ses entrailles
commencèrent à se contracter et à se relâcher, et, en frémissant, elle
accoucha enfin de sa jouissance, ce fruit de l'amour dont ne peuvent se
passer même les amants d'un jour. Quand la coupe déborda, elle me prit
les bras pour m'attirer contre elle et je pus enfin la pénétrer la
conscience tranquille."
Stephen Vizinczey - Eloge des femmes mûres, Les souvenirs amoureux d'Andras Vajda - Chapitre 15, Du bonheur avec une femme frigide
On découvre
ainsi au fil des pages Ilona (30 ans) dont András tombe éperdument
amoureux et qu'il tentera en vain de séduire pendant plus de deux ans.
Zsuzsa la matrone boulotte (40 ans), Boby la joyeuse divorcée blonde (34
ans), Nusi la mère de famille délaissée par son époux (31 ans), Paola
la belle italienne frigide (36 ans), Ann la canadienne aux rondeurs
provocantes… et beaucoup, beaucoup d'autres.. mais toutes décrites d'une
façon très belle, et avec beaucoup de profondeur psychologique, malgré
parfois la brièveté des passages qui leurs sont consacrés.
Est-ce aussi simple de sortir de la frigidité? Quoi qu'il en soit une belle scène et l'occasion de lier Sartre et le cunnilingus.
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