samedi 27 avril 2013

Frigide cunnilingus

Pendant la nuit nous avions rejeté la couverture et le drap de dessus, et Paola était étendue sur le dos, les jambes relevées, respirant sans un bruit. Nous ne semblons jamais autant à la merci de notre corps, la proie de notre inconscient, que lorsque nous sommes endormis. Le coeur battant, je décidai de tenter le tout pour le tout. Lentement, je lui écartai les jambes, tel un voleur écartant des branches pour frayer subrepticement son chemin dans un jardin. Derrière la touffe d'herbe blonde, je voyais son bouton rose foncé, avec ses deux longs pétales légèrement ouverts, comme si eux aussi avaient été sensibles à la chaleur. Ils étaient particulièrement ravissants et, toujours avide, je me mis à les humer et à les lécher. Les pétales ne tardèrent pas à s'amollir et je savourai bientôt la rosée de bienvenue, bien que le corps restât immobile. Paola devait maintenant être réveillée, mais elle n'en montrait rien; elle se maintenait dans cet état rêveur où l'on essaie d'échapper à la responsabilité de ce qui va arriver en déclarant d'avance n'être ni vainqueur ni vaincu. Dix-minutes, ou peut-être une demi-heure plus tard (le temps s'était dissous dans une odeur de pin), ses entrailles commencèrent à se contracter et à se relâcher, et, en frémissant, elle accoucha enfin de sa jouissance, ce fruit de l'amour dont ne peuvent se passer même les amants d'un jour. Quand la coupe déborda, elle me prit les bras pour m'attirer contre elle et je pus enfin la pénétrer la conscience tranquille."

Stephen Vizinczey - Eloge des femmes mûres, Les souvenirs amoureux d'Andras Vajda - Chapitre 15, Du bonheur avec une femme frigide

zebre4

On découvre ainsi au fil des pages Ilona (30 ans) dont András tombe éperdument amoureux et qu'il tentera en vain de séduire pendant plus de deux ans. Zsuzsa la matrone boulotte (40 ans), Boby la joyeuse divorcée blonde (34 ans), Nusi la mère de famille délaissée par son époux (31 ans), Paola la belle italienne frigide (36 ans), Ann la canadienne aux rondeurs provocantes… et beaucoup, beaucoup d'autres.. mais toutes décrites d'une façon très belle, et avec beaucoup de profondeur psychologique, malgré parfois la brièveté des passages qui leurs sont consacrés.



Est-ce aussi simple de sortir de la frigidité? Quoi qu'il en soit une belle scène et l'occasion de lier Sartre et le cunnilingus.

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