samedi 27 février 2016

Le fil salive

Elle jouait toujours du ciseau... une barrique de lubrifiant ! Curieux qu'une femme lubrique soit, étymologiquement, une femme glissante...L'eau devait lui monter à la bouche, son eau à elle. Le fil salive, m'avait-elle dit. Cela se voyait à la commissure des lèvres dont le suintement exigeait d'elle une incessante mise au point, le bout de la langue ramenant à propos ce qui débordait. Cette onction salivaire lui donnait des complexes gestuels: devait-elle, au contraire, éponger l'exubérance du suc indigne ?-aurait-on dit de sa famille où les femmes ne faisait jamais la vaisselle, ni rien de ménager, à part certaines hâtive lessives lorsque le valet de chambre n'avait pas eu l'oeil assez vif, ce qui était rare, car il était avide de ces intimités délaissées dans un coin de la chambre ou de la salle de bain et il se régalait, la nuit, seul couchant avec ses maîtresses, par procuration. Il suçait les dessous avec une courageuse abnégation plus près de la gourmandise que du détersif. Éponger oui, à l'aide d'une pochette tout ajourée, repliée soigneusement et toute mouillée bientôt du spectacle grandiose qui allait être le mien. Tantôt elle avalait, tantôt elle épongeait.

Alma Matrix de Léo Ferré
[Collection L]

 

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