Elle jouait toujours du ciseau... une barrique de lubrifiant ! Curieux
qu'une femme lubrique soit, étymologiquement, une femme
glissante...L'eau devait lui monter à la bouche, son eau à elle. Le fil
salive, m'avait-elle dit. Cela se voyait à la commissure des lèvres dont
le suintement exigeait d'elle une incessante mise au point, le bout
de la langue ramenant à propos ce qui débordait. Cette onction
salivaire lui donnait des complexes gestuels: devait-elle, au
contraire, éponger l'exubérance du suc indigne ?-aurait-on dit de sa
famille où les femmes ne faisait jamais la vaisselle, ni rien de
ménager, à part certaines hâtive lessives lorsque le valet de chambre
n'avait pas eu l'oeil assez vif, ce qui était rare, car il était avide
de ces intimités délaissées dans un coin de la chambre ou de la salle de
bain et il se régalait, la nuit, seul couchant avec ses maîtresses, par
procuration. Il suçait les dessous avec une courageuse abnégation plus
près de la gourmandise que du détersif. Éponger oui, à l'aide d'une
pochette tout ajourée, repliée soigneusement et toute mouillée bientôt
du spectacle grandiose qui allait être le mien. Tantôt elle avalait,
tantôt elle épongeait.
Alma Matrix de Léo Ferré
[Collection L]
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