Un peu de langue allemande dans ce blog, qui se veut universel avec les Mémoires de Wilhelmine Shroeder-Devrient ou les mémoires d'une cantatrice allemande, Aus den Memoiren einer Saengerin.
Comme toujours avec des écrits féminins, son origine est mise en doute mais, pour une fois, pas que l'auteur soit une femme. Guillaume Apollinaire dans son introduction :
Quoi
qu'il en soit, on se trouve peut-être en présence d'une rapsodie écrite
par un faux mémorialiste, qui aurait réuni à quelques détails, à
quelques cancans concernant l'existence de Schrœder-Devrient des
histoires de son invention. Peut-être se trouve-t-on aussi en présence
de Mémoires authentiquement écrits par une femme, une cantatrice, qui ne
serait pas Wilhelmine Schrœder-Devrient. Cette dernière hypothèse
paraît d'ailleurs la plus probable, car on ne peut guère douter que ce
soit là l'ouvrage d'une femme. Il y a dans les Mémoires trop de
renseignements qui paraissent sincères et caractéristiques de la
psychologie féminine.
Son portrait : elle
fut admirée de Beethoven, Berlioz, Schumann, Liszt ou encore Meyerbeer,
mais elle fut l’artiste indispensable de son ami Weber et l’égérie d’un
jeune Wagner dont elle marqua au fer rouge la conception du théâtre
musical. Rarement personnalité n’aura autant marqué intellectuellement
et artistiquement une époque et ses créateurs les plus géniaux.
Le
texte est de 1862 ou 1868, il fut traduit en 1913 par Guillaume Apollinaire aidé certainement de Blaise Cendrars. En voici un extrait :
Je n'eus donc pas de peine à pousser Franz a baiser non seulement ma bouche et mes seins, mais à choisir un but plus décisif.
Mais
comme l'âme ne peut pas rester tranquille dans un baiser sur la bouche,
elle le peut encore moins quand il s'agit de nos autres charmes; et
quand mes soupirs, mes palpitations et mes sursauts lui apprirent que
j'avais un faible pour cette caresse, il devint même spirituel et me
procura une jouissance indescriptible.
Parfois, il semblait
vouloir en profiter quand, après le déversement de mon âme, une
prostration, un abandon complet me gagnait. Il se soulevait alors et
voulait profiter d'une seconde d'inattention.
Chaque fois il fut
trompé, car même au moment de l'extase je ne perdais jamais de vue tout
ce que je risquais en cédant dans le point principal.
Il
descendait alors tout confus du trône qu'il croyait avoir déjà conquis
et devait s'adresser là où je pouvais être heureuse sans danger.
Ce que Marguerite m'avait conté de ses jeux secrets avec sa maîtresse, je le goûtais maintenant.
Quand
Franz était couché avec sa tête bouclée devant moi, me caressant le
cou, le front et les cheveux, je trouvais que sa caresse avait le jeu le
plus fou, le plus amusant, me chatouillait, me faisait rire, tâchait
même d'être variée autant que possible, et quand tranquillement étendue
je jouissais sans inquiétude, je me comparais intérieurement à la
baronne et me trouvais beaucoup plus heureuse qu'elle.
Moi j'avais un jeune homme joli et robuste, elle n'avait eu que Marguerite. Je pouvais voir l'influence de mon abandon.
Il
était admirable, surtout au moment du plus fort ravissement, quand mon
âme rêvait, voluptueuse, et qu'il ne se séparait point de moi, mais au
contraire m'aimait plus fortement, comme s'il eût voulu absorber toute
ma vie.
Cette espèce de jouissance a toujours eu un attrait
extraordinaire pour moi. Cela tient à la passivité complète de la femme
qui reçoit les caresses de l'homme et à l'hommage extraordinaire qui est
ainsi rendu à ses charmes; d'ailleurs elle est très rare, et surtout
quand l'homme a le droit d'exiger davantage. Rien que dans le contact
extérieur de la bouche, dans un simple baiser, son effet est plus
qu'enivrant; mais si la bouche connaît en outre son devoir ou l'a appris
par le tressaillement des parties caressées, je ne sais vraiment si je
ne dois pas préférer cette jouissance à toute autre.
D'ailleurs elle dure plus longtemps et ne vous rassasie pas.
Et pour finir un peu de version originale :
Erst
die Hand mit schamhaft weggewendetem Auge, dann den Mund, erst nur
oberflächlich küssend, dann nach und nach mehr, endlich das volle von
Scheu und Schamhaftigkeit nicht mehr beschränkte Vergnügen. Ich weiß
freilich nicht, was Männer fühlen, wenn sie jenen Gegenstand ihrer
Begier liebkosen können. Darf ich aber nach dem schließen, was ich
empfand, als ich jenes wunderbar gestaltete Werkzeug männlicher Kraft
betrachten, liebkosen, drücken, es küssen, an ihm saugen und endlich zu
überreichlichem Herausschießen des Lebenssaftes reizen konnte, so ist
allerdings die Wollust des Mannes mächtig.
La chose se fit toute
seule. D'abord la main, en détournant honteusement les yeux, puis la
bouche encore hésitante, mais goûtant peu à peu davantage, et à la fin
le plaisir tout entier sans honte et sans vergogne. Je ne sais pas ce
que les hommes ressentent quand ils osent caresser tous les objets de
leurs vœux. Mais si j'ose en conclure par ce que je ressentis en
regardant, caressant, baisant, en faisant toutes les folies imaginables
avec tout ce qui m'était dévolu alors, vraiment la volupté de l'homme
est alors puissante.
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