mercredi 15 août 2012

La guerre des blasons

Albert Mérat est un poète connu aujourd'hui pour une parodie de son oeuvre l'idole écrite en 1869. Il était même vexé "que Verlaine et Rimbaud l’aient ridiculisé dès le début du cahier Zudique en parodiant son recueil de sonnets, L’Idole, par leur Sonnet du Trou du Cul. Il s’était à tel point fâché qu’il avait refusé de figurer auprès de ces deux poètes-voyous dans le tableau de Fantin-Latour, le Coin de table" Rimbaud Zutique

Le sonnet du trou du cul est créé par les deux plus fameux iconoclates en pleine fièvre suivant la commune de Paris. Ecrite en octobre 1871 ou en 1872 le sonnet fait parti de l'album Zutique.

C'est l'olive pâmée, et la flûte caline ;
C'est le tube où descend la céleste praline

Ces vers de Rimbaud (les quatrains sont de Verlaines et les tercets de Rimbaud) illustre sa vision révolutionnaire de l'obscénité et de la pornographie. La poésie de Mérat révèle l'auto-censure de cette fin de siècle bourgeoise qu'il faut combattre. Pour Rimbaud la poésie doit être subversive.

Le dernier sonnet de l'idole a-t-il était censuré par l'éditeur et le sonnet du cul a-t-il était remplacé par un avant et un dernier sonnet ou bien l'auteur a-t-il voulu rester dans un érotisme du non dit, laissant sa lectrice imaginer le reste.

Cette guerre des blasons n'est pas nouvelle. En 1530 à la suite des premiers Blason anatomique du corp féminin de Marot dont le blason du beau tétin, la guerre fit rage avec ceux qui firent des blasons de l'intimité féminine. Dont Eustorg de Beaulieu a qui on attribua le blason Le cul.

Revenons à l'idole de Mérat et son érotisme doux, à ces baisers sur tout le corps d'une femme excepté le cul et le sexe. S'il n'a pû faire son sonnet sur le cul féminin (si ce n'est l'avant dernier), chaque poème claque comme un hommage au mont de Vénus.

LE SONNET DE LA BOUCHE
Ô lèvres, fleurs de sang qu’épanouit le rire,
Frais calice du souffle et rose du baiser,
Où, malgré moi, revient mon rêve se poser,
Si douces que les mots ne peuvent pas le dire,

Lèvres, coupes d’amour après qui l’on aspire,
Désireux de l’ivresse et craignant d’y puiser ;
Le buveur délicat a peur de vous briser,
Et lentement avec extase vous attire.

Je veux tarir ma soif à vos calices clairs ;
À votre humide bord irradié d’éclairs
Je boirai comme on boit à l’eau d’une fontaine.

Versez-moi la caresse, irritante douceur,
Ô lèvres ! souvenir, espérance lointaine,
Dont je veux mordre encor la fragile épaisseur !


LE SONNET DE L’OREILLE
C’est la volute et c’est la conque ; c’est la chair
Devenue arabesque avec son ourlet clair
Où préside une loi d’harmonie ancienne ;


LE SONNET DU VENTRE
Au milieu, sur le fond de blancheur précieuse,
Le nombril, conque rose et corolle aux plis clairs,
Entr’ouvre son regard de fleur silencieuse.


LE SONNET DE LA JAMBE
Comme pâlit la joue au baiser de l’amant,
Une invisible lèvre a touché la peau rose

(...)
Voici qu’un peu plus haut le divin gonflement
De la chair semble un marbre où la sève est enclose.


LE SONNET DU PIED
Peureux, lorsque ma lèvre amoureuse vous touche,
Je crois sentir trembler, au souffle de ma bouche,
Des oiseaux retenus captifs loin de l’azur.


LE SONNET DE LA NUQUE
Et ma bouche osera baiser l’éclat vermeil
Des minces cheveux fous brodés par le soleil,
Dont la confusion étincelante brille.


LE SONNET DES ÉPAULES
Une ombre d’or que font des duvets et des mousses
À l’aisselle en finit l’épanouissement ;

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