lundi 5 octobre 2015

Scolare : Héloïse et Abélard

Accepterais-tu de me laisser découvrir s’il y a du cresson à ta cressonnière ? Par ma foi, diras-tu, c’est une jolie question formulée bien opportunément ! Mais je voudrais voir se craqueler ta prune où suinte déjà peut-être un jus doré tel le sucre des abeilles. Oui, voilà... Une chance que la gent féminine de ce temps ne porte jamais de braies sous la robe. Regarde, maintenant je vais entre tes jambes comme à l’appel de la Terre sainte. J’approche de ce qui ressemble aussi à un coquillage, mon Saint-Jacques-de-Compostelle. Mes lèvres te disent au bord des poils : « Mon Dieu ! Jesu bone, tu es là ! » Sens-tu ma respiration ? Je reste à genoux, un peu tremblant et incrédule tel un homme qui a des visions. Héloïje, j’aime ’e goût de fleur de ’on ’exe !
Abélard articule mal car il a plongé sa bouche dans un fouillis sombre fendu par l’éclat d’une longue lueur rose où il lance de haut en bas sa langue. Et ça n’en finit pas. De par la fenêtre, il entend d’abord le clapotis de l’eau contre les rives de l’île de la Cité puis l’incessant mouvement de batellerie sur la Seine, l’agitation au port Saint-Landry du va-et-vient sans fin des rames de barques chargées de marchandises diverses où des commerçants, attirés par la grève, accostent aisément. Emportement de la passion, vertige, fièvre et félicité ! À la jointure des cuisses de sa scolare rendue à merci, le maître actuel le plus écouté au monde, qui exerce sur la jeunesse une influence, ne veut vraiment plus d’autres paradis que cet endroit aux senteurs de vétiver dont s’est fait oindre l’élève revenue des étuves publiques. En son sexe crémé au lait d’ânesse et arrosé d’essence, il laisse sa bouche errante et s’abîmant à l’aventure en quête d’ombre et de goût et d’un travail charmant où il s’attarde en un long stage pour des dévotions. Aussi affairé qu’un merle dans un jardin, il s’excite à vouloir honorer la poupée, la rosée, le doux con d’Héloïse. Il lui fait moult petites bichoteries où elle prend grand plaisir en murmurant : « Langue magique » puis, sainte auréolée, elle jouit en s’arc-boutant !

Jean TeuléHéloïse, ouille !, Julliard, mars 2015

Hans Bellmer

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