Cette nuit, l'obsession est plus forte encore que d'habitude. Je ne puis dormir… à cause de Vous, toujours… Je songe douloureusement que toutes les paroles sont vaines, que seuls les baisers sont immenses et profonds. Je rêve de voir toute la nuit ardente de vos yeux. Je respire les parfums de votre chair… De toute votre chair incomparable… Je rêve d'égarer mes lèvres parmi votre chevelure, pareille à une forêt nocturne. Ma bouche possède enfin votre bouche… ah ! votre bouche tant désirée ! Je vous aime avec passion et avec douceur. Et vous apprenez de moi la ténacité légère des caresses féminines. Je vous apprends tout ce que l'effleurement recèle de hardi et de passionné…et peu à peu, vos lèvres répondent à mes lèvres… Et votre doux corps s'anéantit dans la volupté… Ecrivez-moi. J'ai soif. J'ai soif de vos lettres… et de vous." (Lettres à Kérimé Turkan-Pacha)
La fourrure
Je hume en frémissant la tiédeur animale
D’une fourrure aux bleus d’argent, aux bleus d’opale ;
J’en goûte le parfum plus fort qu’une saveur,
Plus large qu’une voix de rut et de blasphème,
Et je respire avec une égale ferveur,
La Femme que je crains et les Fauves que j’aime.Mes mains de volupté glissent, en un frisson,
Sur la douceur de la Fourrure, et le soupçon
De la bête traquée aiguise ma prunelle.
Mon rêve septentrional cherche les cieux
Dont la frigidité m’attire et me rappelle,
Et la forêt où dort la neige des adieux.Car je suis de ceux-là que la froideur enivre.
Mon enfance riait aux lumières de givre.
Je triomphe dans l’air, j’exulte dans le vent,
Et j’aime à contempler l’ouragan face à face.
Je suis une file du Nord et des Neiges, -- souvent
J’ai rêvé de dormir sous un linceul de glace.Ah ! la Fourrure où se complaît ta nudité,
Où s’exaspérera mon désir irrité ! –
De ta chair qui détend ses impudeurs meurtries
Montent obscurément les chaudes trahisons,
Et mon âme d’hiver aux graves rêveries
S’abîme dans l’odeur perfide des Toisons.
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