Quand nous passâmes à d'autres baisers pour la première fois, cela se fit tout à fait par hasard, sans préméditation, car jusqu'alors nous ne savions même pas que cela existait. Il arriva simplement qu'au milieu de nos évolutions nous nous retrouvâmes chacun la tête vers les pieds de l'autre, la bouche précisément à l'endroit voulu. Je plongeai le visage dans la toison humide, l'odeur de la sueur et du corps me frappa, me transporta, ma langue se mit inconsciemment à fouiller chaque petit recoin inconnu, embrassant, jouant, mordillant, et je sentis le paroxysme de son plaisir ; elle replia les jambes et y enferma ma tête, la serrant, la collant plus encore à elle et son ventre se durcit, un son grave sortit de sa gorge et elle fut prise de soubresauts comme un poisson hors de l'eau.
Voyageons dans le temps et la langue avec cette dispute périgourdine du XXIIème siècle (1169 pour être précis) dite L'affaire Cornilh entre trois troubadours de langue d'oc, Raimon de Durfort, Truc Malec et Arnaut Daniel.
La dispute est celle-ci : La dame ena subit la cour insistante de Bernard de Cornilh. Elle se donnera à lui s'il lui embrasse l'anus. Ce dernier refuse et la question en discussion est de savoir s'il a eu tort ou raison.
Truc Malec ouvre le débat, dans une cansó dont nous n'avons conservé qu'une seule cobla, suivi par la première pièce de Raimon, à laquelle répond à son tour Arnaut Daniel. Dans une seconde cansó-sirventés, Raimon lui répond. http://trobar.org/troubadours/
Ci dessous la seconde cobla de ce dernier chant :
Non es bona dòmn' el mon,
Si·m mostrava·l còrn e·l con Tot atretal com ilh se son E pueis m'apelava: "'N Raimon, Cornatz m'aicí sobre·l reon", Qu'ieu no·i baissès la car' e·l front Com si volgués beure en fon: Drutz qu'a sa dòmna aissí respon, Ben tan que de son còr l'aon.
Il n'y a pas de belle dame dans ce monde,
Si elle me montrait le cul et la chatte
Toujours ainsi tels qu'ils sont
Et puis m'appelle : "Sir Raimon,
Souffle moi ici, dans mon derrière"
Que je ne baisserais pas mon visage et mon front
Comme si je voulais boire à une fontaine :
Un amant qui répond ainsi à sa dame
Mérite bien la faveur de son cœur.
Et en chanson la réponse d'Arnaut Daniel.
que'l corns es fers, laitz e pelutz e prions dinz en la palutz, e anc nul jorn no estai essutz, per que rellent en sus lo glutz c'ades per si cor ne redutz: e no taing que mais sia drutz cel que sa boc'al corn condutz.
Car le corn est sauvage, laid et poilu Et n’est jamais sec, Et son marais est si profond Que la poix y fermente et monte Et ne coule, régurgitée : Et je souhaite que jamais aucun amant Ne collât sa bouche à ce corn.
Le 1er mars 1995, le batteur Bill Berry a dû quitter la scène lors d'une représentation de cette chanson se plaignant d'un grave mal de tête, qui s'est avéré être causé par un anévrisme cérébral.
François Nourissier le corps de Diane 1957 qui faisait preuve à ces 30 ans d'une belle immaturité sexuelle ; ce baiser-qui-fait-gémir est assez ridicule. Il a par la suite renié ces premiers romans.
Je sus enfin qe j'allais être victorieux. J'embrassais l'autre cheville ; puis la zone dure de la jambe, celle qui ne dépare jamais aucun duvet et que le soleil teinte chaque été de brun brillant ; puis les genoux - froids, osseux, ronds - puis le versant secret des cuisses, toujours chaud, toujours doux. Je ne tremblais pas de désir, mais d'une nervosité moqueuse et méchante. Quoi de plus ridicule que ces ruses d'homme, cette gymnastique, l'oreille attentive que je prêtais à l'essoufflement de l'américaine? Absurbe et vulgaire. Je n'avais aucune raison d'être là, couché, tordu sur le tapis, mon visage aux yeux fermés enfoncé dans un bruissement de chiffons raides. Le baiser-qui-fait-gémir fut compromis par les chiffons. Je m'obstinais jusqu'à ce qu'une main eût accroché mes cheveux pour écarter mon front, mes lèvres. Nous avions tous deux des respirations haletantes, profondes, et nous cherchions, dans l'ombre, à nous voir. Toutes les lumières allumées, sans doute aurions nous échangé ce même regard d'aveugles mécontents. Une espèce de chaleur me vint soudain. Je me redressai et j'enlaçais la fille. Je repris ses lèvres, heureux qu'elle devinât, sur les miennes, ce que sent l'amour pour un homme.
3 dessins de Luc Lafnet : peut-être des oeuvres de jeunesse.