samedi 3 août 2013

Poésie perverse

Il est de jolis poèmes que les mamies récitent innocemment voire apprennent aux jeunes filles en fleurs et que les institutrices donnent à apprendre à leurs élèves. C'est donc en toute inconscience qu'elles intègrent la volupté des jeux préliminaires de l'amour.

Il en est ainsi du poème Premier sourire du printemps de Théophile Gauthier. Décryptage.

Tandis qu’à leur oeuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.

Baisser la garde mesdemoiselles il n'y a plus d'homme d'ici. Mais le poète excite sa lectrice  qui doit prononcer "perverse" avec la langue et imaginer les hommes "haletant". 

Ensuite Mars va agir en secret, sournoisement, furtivement.

Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement lorsque tout dort,
Il repasse des collerettes
Et ciselle des boutons d’or.

Ciseller le bouton, je ne dis rien, mais je n'en pense pas moins
Et le verger m'évoque également l'organe de l'homme

Dans le verger et dans la vigne,
Il s’en va, furtif perruquier,
Avec une houppe de cygne,
Poudrer à frimas l’amandier.


La nature au lit se repose ;
Lui, descend au jardin désert
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert.

Baisser la garde mesdemoiselles si votre corps en apparence se repose c'est pour mieux se concentrer sur votre jardin secret. Que d'évocations : le lit, le jardin, le bouton de rose et si l'esprit dort le corps sait

Tout en composant des solfèges,
Qu’aux merles il siffle à mi-voix,
Il sème aux prés les perce-neiges
Et les violettes aux bois.
Sur le cresson de la fontaine
Où le cerf boit, l’oreille au guet,
De sa main cachée il égrène
Les grelots d’argent du muguet.

Là tout n'est que dextérité des doigts et de la langue.

Sous l’herbe, pour que tu la cueilles,
Il met la fraise au teint vermeil,
Et te tresse un chapeau de feuilles
Pour te garantir du soleil.

Ne sens-tu pas l'excitation te gagner.

Puis, lorsque sa besogne est faite,
Et que son règne va finir,
Au seuil d’avril tournant la tête,
Il dit : " Printemps, tu peux venir ! "

Et toi jeune fille es-tu prête à venir?

vendredi 2 août 2013

Jeanne, Jean et l'académicien

De vos fruits, Jeanne, amande, pêche ou fraise,
on sait la tendre et puissante saveur :
ils sont de ceux gonflés de ta ferveur
qu'on presse, on croque, on suce, on boit, on baise.
Le jus Tendresse et puis le suc Amour
tandis que l'âme avec l'âme roucoule,
des fruits pressés, l'un jaillit, l'autre coule,
et l'autre et l'un, dans ton soyeux séjour.

Paul Valéry ,
22 juin 1938
in Corona et Coronilla
poème à Jean Voilier

Dans la nuit du 4 au 5 aout 1892, le jeune Paul Valéry (21 ans) a l'illumination de se consacrer aux choses de l'esprit. C'était sans compter sur la rencontre avec Jean Voilier (la Jeanne du poème) et son "organisation amoureuse" qui lui a permis d'inspirer les esprits de son temps. Et comme on a qu'un temps il ne faut pas laisser faire les choses successivement mais en même temps.

Le journal intime de Paul Valery et ses poèmes à Jean Voilier publiés éditons de Fallois en 2008 (150 poèmes écris entre 1938 et 1945 sa mort) nous montre un Paul Valery enfin libéré et cunnicologue.

Je te caresse dans la tiédeur de la lumière doucement riche, je cause avec toi(voluptueusement, intelligemment), il n’y a pas de mot qui combine les deux termes en un seul adverbe extraordinaire. Il faudrait avoir une langue à nous-(quelquefois cette idée se matérialisa et il n’y eut bien qu’une bouche et une langue). Tiens, tu me fais crayonner des bêtises. Mais songe que ce moment est le seul de cette immense journée où je vive un peu avec et pour toi.

Portrait d’une femme romanesque Jean Voilier, de Célia Bertin, éditions de Fallois

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Odalisque
photographie de Susanne Junker, autoportrait Paris 2001 

jeudi 1 août 2013

Tout mou : la vérité sur le cunnilingus et l'empire romain

Il a suffit d'une peinture découverte à Pompéi pour que Paul Veyne relativise sa vision du sexe viril chez les romains.

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Comme à toute époque, il y a des gens qui ont des comportements plus hardis que les autres. Disons qu'un quart de la population féminine et masculine s'intéresse vraiment aux gestes de l'amour. Ceux-là, contrairement à ce que j'avais écrit jadis, allaient jusqu'à pratiquer le sexe oral. On a trouvé une peinture de Pompéi représentant le cunnilingus... Mais la majorité est certainement beaucoup moins audacieuse dans ses attitudes amoureuses que les hommes et les femmes du XXIe siècle. (interview le point de Paul Veyne)
En 2002Paul Veyne décrit le sexe à la romaine : Beaucoup de gestes de l'amour sont absolument vomis (c'est la raison pour laquelle les textes en parlent à satiété), la fellation, notamment, et surtout le cunnilingus, qui déshonore un homme parce qu'il se met au service d'une femme. Il faut toujours dominer. Ce qui est le plus condamné par un Romain, c'est la mollesse. Si vous êtes trop sensible à la féminité, si vous prêtez votre bouche, vous êtes mou. C'est pire que tout!

Paul Veyne pensait que la sexualité chez les romains était ce qu'en disait Martial ou Sénèque qui estimait infamant que la femme puisse chevaucher l'homme et parlait de langue impudique ou de la bouche ouverte au flux menstruel. (Jean-Claude Guillebaud la tyrannie du plaisir)

Voilà que l'on trouve à Pompéi des fresques d'amour libre où la femme est dessus. Il est semble-t-il très difficile de ce faire une idée parfaite de ce qui se passe dans l'intimité, le sexe à toute les époques aujourd'hui et hier reste caché. Les secrets de l'alcolve sont bien gardés (que de secrets découverts à la mort des protagonistes)


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L'empereur romain en reste dubitatif.

Schund & Schmutz h

mercredi 31 juillet 2013

Ces plis roses sont les lèvres

Une jeune fille que j'aimais ne portait jamais de robe. Un jour je lui en offris une que je lui demandais d'enfiler et la trouvant magnifique je l'enlevais immédiatement pour la couvrir de baisers. Je lui dédis aujourd'hui ce poème de Théophile Gautier qui finissent par ces vers.

Et ces plis roses sont les lèvres
De mes désirs inapaisés,
Mettant au corps dont tu les sèvres
Une tunique de baisers.

L'aquarelliste Georg Emanuel Opiz (ou Opitz,  Prague 1775- Leipzig 1841) séjourne à paris en 1813 et 1814 années de chute de l'empire et de son empereur gamahucheur.

mardi 23 juillet 2013

La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres

Pour Stéphane Mallarmé aussi l'amour poétique est buccal. Celui qui voulait peindre, non la chose, mais l'effet qu'elle produit s'est souvent penché sur le sexe féminin, et aurait bien voulu gouter à celui de Mery Laurent. Est-ce parce que l'on est Mallarmé que l'on joue de la langue?
Mysticis umbraculis
Elle dormait: son doigt tremblait, sans améthyste
Et nu, sous sa chemise: après un soupir triste,
Il s'arrêta, levant au nombril la batiste.

Et son ventre, sembla de la neige où serait,
Cependant qu'un rayon redore la forêt,
Tombé le nid moussu d'un gai chardonneret.

Une négresse par le démon secouée

Et, dans ses jambes où la victime se couche,
Levant une peau noire ouverte sous le crin,
Avance le palais de cette étrange bouche
Pâle et rose comme un coquillage marin.

 C'est l'après midi d'un faune

L’enfant prodigue

Je veux plonger ma tête en tes cuisses nerveuses
Là, ma sainte, enivré de parfums extatiques,
Dans l'oubli du noir Gouffre et de l'Infini cher,
J'endormirai mon mal sur votre fraîche chair.
Quelle soie aux baumes de temps

Non. La bouche ne sera sûre
De rien goûter à sa morsure,
S'il ne fait, ton princier amant,
Dans la considérable touffe
Expirer, comme un diamant,
Le cri des Gloires qu'il étouffe.

dimanche 21 juillet 2013

Musée secret

Des déesses et des mortelles
Quand ils font voir les charmes nus
Les sculpteurs grecs plument les ailes
De la colombe de Vénus.


Sous leur ciseau s’envole et tombe
Le doux manteau qui la revêt
Et sur son nid froid la colombe
Tremble sans plume et sans duvet.


Ô grands païens, je vous pardonne !
Les Grecs enlevant au contour
Le fin coton que Dieu lui donne
Otaient son mystère à l’amour ;


Mais nos peintres tondant leurs toiles
Comme des marbres de Paros,
Fauchent sur les beaux corps sans voiles
Le gazon où s’assied Éros.


Pourtant jamais beauté chrétienne
N’a fait à son trésor caché
Une visite athénienne
La lampe en main, comme Psyché.


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Au soleil tirant sans vergogne
Le drap de la blonde qui dort,
Comme Philippe de Bourgogne
Vous trouveriez la toison d’or,


Et la brune est toujours certaine
D’amener autour de son doigt
Pour le diable de La Fontaine
Le cheveu que rien ne rend droit.


Aussi j’aime tes courtisanes
Et tes nymphes, ô Titien,
Roi des tons chauds et diaphanes,
Soleil du ciel Vénitien.


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Sous une courtine pourprée
Elles étalent bravement,
Dans sa pâleur mate et dorée
Un corps superbe où rien ne ment.


Une touffe d’ombre soyeuse
Veloute, sur leur flanc poli
Cette envergure harmonieuse
Que trace l’aine avec son pli.


Et l’on voit sous leurs doigts d’ivoire
Naïf détail que nous aimons
Germer la mousse blonde ou noire
Dont Cypris tapisse ses monts.


À Naples, ouvrant des cuisses rondes
Sur un autel d’or Danaé
Laisse du ciel en larmes blondes
Pleuvoir Jupiter monnoyé.


Et la tribune de Florence
Au cant choqué montre Vénus
Baignant avec indifférence
Dans son manchon ses doigts menus,


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Maître, ma gondole à Venise
Berçait un corps digne de toi
Avec un flanc superbe où frise
De quoi faire un ordre de roi.


Pour rendre sa beauté complète
Laisse moi faire, ô grand vieillard,
Changeant mon luth pour ta palette,
Une transposition d’art.


Oh ! comme dans la rouge alcôve
Sur la blancheur de ce beau corps
J’aime à voir cette tache fauve
Prendre le ton bruni des ors


Et rappeler ainsi posée
L’Amour sur sa mère endormi
Ombrant de sa tête frisée
Le beau sein qu’il cache à demi


Dans une soie ondée et rousse
Le fruit d’amour y rit aux yeux
Comme une pêche sous la mousse
D’un paradis mystérieux.


Pommes authentiques d’Hespéride,
Or crespelé, riche toison,
Qu’aurait voulu cueillir Alcide
Et qui ferait voguer Jason !


Sur ta laine annelée et fine
Que l’art toujours voulut raser
Ô douce barbe féminine
Reçois mon vers comme un baiser


Car il faut des oublis antiques
Et des pudeurs d’un temps châtré
Venger dans des strophes plastiques
Grande Vénus, ton mont sacré !


Théophile Gautier

J'ai découvert ce poème chez Callipyge publié en 1864 dans le Parnasse Satyrique (nous y faisons souvent référence) il fut écrit en 1850 et ne fut pas intégré au recueil d'Emaux et Camées par crainte de la censure. 1850 c'est l'année du voyage à Venise avec Marie Mattéi.

Nous aimons ce texte pour sa défense du poil publien, du duvet de Vénus et pour cet amour de la Vénus d'Urbino de Titien.
Muse et secret, musc et sucrée, Musée secret car le tableau n'était pas destiné au grand public mais à l'exposition en chambre, musée secret comme le sexe féminin.

samedi 20 juillet 2013

L'érotisme de Paul Fort

Sans Brassens et la « Complainte du petit cheval blanc », Paul Fort serait aujourd’hui entièrement tombé dans l’oubli. Le prince des poète de 1912 à 1960 est pourtant un sacré numéro. Marié à Marie-Suzanne Theibert avec Verlaine et Mallarmé pour témoin il eut pour maitresse Marguerite Gillot ci dessous immortalisée par Marie Laurencin

marguerite gillot

ll a le coup de foudre pour la très jeune Germaine Pouget connu comme Germaine Tourangelle qu'il va enlever et entrainer dans une tournée de conférences à travers l’Europe entre février et mai 1914 et qu'il épousera à la mort de Suzon à 85 ans.

Sa vie amoureuse si riche en fait un héros ayant sa place ici et pourtant pas de trace de textes érotiques dans son oeuvre littéraire au contraire de ses amis qu'il publie dans sa revue Vers et Prose Rimbaud, Verlaine, Apollinaire, Henri-Pierre Roché, Pierre Louÿs.

Peut-on trouver dans l'amour marin ou comme hier une trace d'érotisme
Hé ! donn' moi ta bouche, hé ! ma jolie fraise !
L'aube a mis des frais's plein notre horizon
Garde tes dindons, moi mes porcs, Thérèse
Ne r'pousse pas du pied mes p'tits cochons

Va, comme hier ! comme hier ! comme hier !
Si tu ne m'aimes point, c'est moi qui t'aim'rons
L'un tient le couteau, l'autre la cuiller
La vie, c'est toujours les mêmes chansons

Pour sauter l'gros sourceau de pierre en pierre
Comme tous les jours mes bras t'enlèv'ront
Nos dindes, nos truies nous suivront légères
Ne r'pousse pas du pied mes p'tits cochons


m_ausg

Marcel Vertès Pays à mon gout


Va, comme hier ! comme hier ! comme hier !
Si tu ne m'aimes point, c'est moi qui t'aim'rons
La vie, c'est toujours amour et misère
La vie, c'est toujours les mêmes chansons

J'ai tant de respect pour ton coeur, Thérèse
Et pour tes dindons, quand nous nous aimons
Quand nous nous fâchons, hé ! ma jolie fraise
Ne r'pousse pas du pied mes p'tits cochons

Va, comme hier ! comme hier ! comme hier !
Si tu ne m'aimes point, c'est moi qui t'aim'rons
L'un tient le couteau, l'autre la cuiller
La vie, c'est toujours les mêmes chansons


La revue Vers et prose  a 2 pôles : un « grand ton », celui d’une poésie sérieuse et grave, parfois hautaine, solidaire d’une tradition savante (et ici bien sûr on ne peut pas ne pas songer à l’exemple de Mallarmé, mais aussi, plus généralement, au Parnasse et à toute une tradition du sublime romantique), tout ce que Saint-Pol Roux appelle « la façon de l’aigle » qui se donne « mission de ramener une proie de soleil ». Et puis, d’autre part, d’entrée de jeu et jusqu’à la fin, ce que le même auteur emblématise sous la figure de la « sauterelle » : un ton beaucoup plus familier, qui ne dédaignent pas d’afficher une certaine forme de naïveté, une proximité avec les genres « populaires », comme la chanson, par exemple. Ce dont témoignent au premier chef les ballades de Fort.